Contexte
Il suffit de lire les offres d’emploi de Scrum Master pour observer l’importance donnée à la facilitation dans les demandes des organisations.
Les employeurs s’attendent à ce que le Scrum Master facilite les événements de Scrum. Mais cette attente est-elle légitime voire pertinente ?
Des avantages à avoir un facilitateur clairement identifié
Lorsque les entreprises font l’effort de découvrir ce que sont réellement l’agilité et Scrum, elles se rendent compte à quel point les changements de modèles mentaux sont nombreux et profonds. Il ne s’agit pas de faire plus de la même chose mais bien de transformer la vision du monde du travail et de l’entreprise.
Le Scrum Master doit naturellement être un guide dans cette exploration difficile voire pénible. Dans sa boite à outils, il mobilisera assez spontanément ses compétences de facilitation afin de lancer rapidement le mouvement, en faisant en sorte de transformer notablement la dynamique entre les acteurs.
En prenant en main les rênes de la facilitation des 5 événements de Scrum, le Scrum Master montre la voie et permet à ce que l’organisation puisse assez rapidement constater les bénéfices du cadre nouvellement mis en place.
L’impact de Scrum et du Scrum Master est ainsi rendu tangible aux yeux des acteurs et des sponsors qui ont l’impression d’en avoir pour leur argent.
Enfin, le développement des compétences de facilitation étant un sujet assez nouveau dans les entreprises, c’est une première marche assez facile à appréhender par les nouveaux Scrum Masters. Quelques ateliers, meetups, articles, livres, conférences, formations sur la facilitation en général ou plus spécifiquement sur les Innovation Games ou les Liberating Structures par exemple permettent d’outiller rapidement et efficacement les facilitateurs en herbe.
La problématique soulevée
Le piège dans lequel le Scrum Master et l’organisation peuvent facilement tomber est de croire que la facilitation des événements est la chasse gardée du Scrum Master.
Rien n’est plus faux puisque le Scrum Master doit toujours avoir en tête de développer l’auto-gestion des équipes.
On dit souvent que l’enfer est pavé de bonnes intentions ! Ainsi, si le Scrum Master persiste à faciliter tous les événements, il limite l’auto-gestion de l’équipe Scrum voire de l’écosystème. Il limite l’espace d’apprentissage et d’expérimentation des acteurs. Bref, en voulant bien faire et être serviable, il devient lui-même le goulet d’étranglement et le maillon faible.
En outre, le Scrum Master, en tant qu’expert de l’agilité et de Scrum aura probablement beaucoup de messages à faire passer auprès de ses interlocuteurs. Ce sera nettement plus difficile pour lui d’être en même temps dans la neutralité requise pour le facilitateur et dans le partage de ses propres idées. Lorsqu’il prend la parole, le fait-il encore en tant que facilitateur ou en tant qu’expert ?
Le dernier point est qu’une grande partie de sa bande passante sera consommée par la facilitation, ce qui l’empêche d’avoir d’autres interventions pour adresser les différents dysfonctionnements qu’il ne tardera pas à observer dans l’équipe voire dans l’écosystème.
N’oublions pas que le Scrum Master est également présent pour faire en sorte que les freins à l’agilité soient progressivement supprimés, à tous les niveaux et dans toutes les dimensions de l’organisation.
De nouvelles voies
Dans l’intérêt de l’apprentissage pour les équipes, il est dangereux que le Scrum Master ne soit focalisé que sur la facilitation.
Passer le relai rapidement aux autres acteurs sur la facilitation peut même être une stratégie délibérée de la part du Scrum Master. Ce choix va permettre de nombreux apprentissages.
Une des grandes difficultés à être Scrum Master est justement de devoir choisir les meilleurs outils dans chaque situation. Les contextes étant toujours uniques, ces choix ne sont jamais triviaux.
Mais pour faire ce choix dans le meilleur intérêt des équipes, le Scrum Master doit être compétent dans toutes les postures que l’organisation est en droit d’attendre de lui. S’il se limite à sa posture favorite, il ne pourra pas être aussi impactant qu’il le devrait.
Quelques soient les modèles utilisés, le Scrum Master aura toujours d’autres postures que la facilitation à déployer. Il est présent pour être un Leader et entretenir une nouvelle culture et non pour suivre gentiment le rythme imposé par l’homéostasie du système.
Le Scrum Master devra développer ses propres compétences de mentor et formateur, par exemple pour transmettre ses connaissances et son savoir-faire sur la facilitation aux membres de l’équipe qui seraient volontaires pour développer pour eux-mêmes ces compétences. Pour développer ses outils de formateur, il pourra étudier différents outils ou structures pédagogiques par exemple Flipped-Learning ou Training from the Back of the Room.
Le Scrum Master pourra utiliser le temps qu’il épargne à ne plus préparer la facilitation des événements voire à faciliter des événements tels que le Daily Scrum dans lesquels sa présence n’est pas requise, pour travailler en tant qu’agent du changement à la résolution des freins auxquels les équipes font face.
Et pendant les événements auxquels il participe encore, il pourra exploiter ses autres talents, par exemple en tant que coach de l’équipe en position basse afin de provoquer des questionnements et prises de conscience qui ne sont pas du ressort du facilitateur.
A titre d’illustration, il peut intervenir en tant que coach dans un Sprint Planning pour partager ses observations avec des questions très ouvertes telles que :
Que pensez-vous du Sprint Backlog que vous venez d’élaborer ? S’il était très différent, en quoi le verriez-vous ?
J’ai remarqué qu’à chaque événement de l’équipe, Pierre est assis à côté de Patrick, et ils font face à Pauline. Qu’est-ce que cela raconte ? Que pensez-vous d’essayer de changer de place ?
J’ai remarqué que c’est systématiquement Stéphanie qui répond la première aux questions du Product Owner. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ?
Quels changements de rythme ou d’énergie avez-vous perçu dans ce Sprint Planning ?
S’il y avait un sujet important dont vous n’avez pas osé parler, ce serait lequel ?
Si ce Sprint Planning était une couleur, ce serait laquelle ? Pourquoi ?
Conclusion
Pour avoir des interactions saines et efficaces entre les acteurs, le Scrum Master doit être capable de faciliter les événements de Scrum pour développer une bonne collaboration dans tout l’écosystème.
Cependant, les différentes responsabilités du Scrum Master nécessitent qu’il développe aussi toutes les autres postures d’un Scrum Master professionnel. Pour cela, il doit accepter de vider sa coupe pour la remplir à nouveau. Ainsi il incarnera lui-même le courage, la vulnérabilité, le droit à l’expérimentation, l’ouverture et l’engagement attendus de toute la Scrum Team.
Et pour une Scrum Team motivée à développer ses compétences de facilitation, la formation Professional Scrum Facilitation Skills est faite pour vous !
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